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Nos parents, pour la grande majorité, ne se posaient pas ces questions.
Les rôles étaient clairement définis et celui du père était essentiellement d’être garant de la sécurité du foyer – en étant fort, protecteur et pourvoyeur de l’argent.

Aujourd’hui, même si ce rôle est encore largement ancré dans les représentations, on attend aussi des pères qu’ils prennent leur part dans la charge mentale, dans l’éducation, dans le quotidien. Qu’ils soient sensibles, à l’écoute. Et qu’ils partagent avec leurs enfants des moments d’émotion, de tendresse et d’affection.

Entre ces attentes anciennes et ces nouvelles injonctions, parfois contradictoires, il n’est pas toujours évident de trouver sa juste place.

Malgré la difficulté, beaucoup d’hommes s’interrogent sincèrement et profondément, font bouger les lignes, osent remettre nos modèles en question, ouvrent des portes…
Mais est-ce suffisant pour contrer ceux qui, à l’inverse, résistent et tentent de réaffirmer une domination masculine au nom d’un soi-disant “ordre naturel” ?

Et si, en réalité, les choses n’avaient pas tellement changé ?

Je dédie cet article à tous ceux qui doutent, souvent, mais cherchent, tentent et persévèrent avec force et courage, et surtout avec cœur.

 

Les nouveaux pères – miracle ou mirage ?

Ces dernières décennies ont été marquées par l’émergence – très médiatisée – des « nouveaux pères ».

Ces néo pères comme on les appelle aussi, sont très loin du patriarche autoritaire gagne-pain, quasiment absent de la sphère familiale sauf pour gronder les enfants.
Désormais, ces pères sont présents. Ils ne craignent pas de partager des gestes de tendresse même en public. Ils s’expriment sur le bonheur mais aussi la difficulté d’être père. Et surtout, ils sont impliqués, ils s’investissent. On les voit donner le biberon, déposer les enfants à la crèche, assister aux réunions parents-profs…

Sur les réseaux sociaux et dans les médias, on célèbre ces nouveaux pères qui partagent enfin les responsabilités parentales.

Est-ce à dire que l’égalité est advenue au sein du couple et encore plus au sein du foyer ?
La réalité semble un peu plus complexe…

Selon l’enquête menée par les journalistes Guillaume Daudin et Stéphane Jourdain « le mythe du père égalitaire est une arnaque, un récit qui empêche de voir les inégalités toujours bien présentes ».
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 1986, les femmes assumaient 80 % des « activités parentales » liées aux enfants. Vingt-cinq ans plus tard, ce chiffre n’a baissé que de 9 points, atteignant encore 71 %. En 2023, sur Doctolib, 85 % des rendez-vous médicaux pour les enfants sont toujours pris par les mères. La proportion d’hommes prenant leur congé paternité stagne depuis une décennie, et les tâches domestiques continuent d’incomber majoritairement aux femmes.

Oui, il y a de la nouveauté – dans l’aspiration des hommes à s’investir et aussi dans l’expression de leur masculinité du point de vue de l’émotion, de la proximité physique avec leur enfant. Mais dans les faits, les inégalités entre les femmes et les hommes subsistent.
La plupart des pères gèrent plus de choses qu’auparavant c’est indéniable, mais ils se cantonnent souvent dans les tâches qui créent du lien avec l’enfant ou qui sont valorisées socialement : donner le biberon, changer une couche, jouer avec l’enfant, aller le chercher à l’école…
La majeure partie des tâches d’organisation, d’intendance, de suivi, de planification, de gestion, d’anticipation, de rangement, de préparation, de nettoyage – toutes ces tâches indispensables mais invisibles qui représentent une très large part de la charge parentale et une part encore plus grande de la charge mentale – sont encore majoritairement à la charge des mères.

Ces nouveaux pères, souvent en nette opposition avec leur propre figure paternelle, ont la sincère illusion de porter enfin leur rôle et leur engagement à la hauteur de ce que portent les mères. Et cette image flatteuse qu’ils ont d’eux-mêmes et de leur investissement les empêche de voir les injustices que subissent encore les femmes de plein fouet avec la maternité.
Ce sont elles qui majoritairement stoppent leur carrière pour élever les enfants.
Ce sont elles qui par la suite ont le plus recours à des mi-temps pour assurer les charges parentales, ce qui les appauvrit sur le long terme.
Ce sont elles encore, accablées par ces doubles journées travail/enfant, qui sont le plus victimes de dépression et de burn-out.
Ce sont elles, toujours, qui au quotidien sont stressées, lourdes de culpabilité, frustrées et peinent tant à s’épanouir.

On comprend un peu mieux que ces nouveaux pères ne soient pas autant célébrés dans la sphère intime que dans la sphère sociale…

Alors, d’où vient réellement le problème et comment faire en sorte que tous ces efforts sincères portent enfin leurs fruits ?

 

La société est en grande partie responsable de cet état de fait. Mais pas totalement…

Si beaucoup de pères ont déjà fait une bonne partie du chemin, l’entreprise, elle, fonctionne encore avec des règles d’un autre temps. Quelqu’un a-t-il déjà vu un homme être mal considéré parce qu’il était au travail de 8h à 20h alors qu’il avait 3 enfants ?

Prenons l’exemple du congé paternité. Il est passé en deux décennies de 10 à 20 jours, ce qui est une avancée. Mais est-ce vraiment suffisant pour qu’un père, à l’arrivée du bébé, puisse être parent à part entière, seul face aux responsabilités, plutôt que « simple assistant » de sa femme pendant quelques jours ? Si encore trop peu d’hommes prennent ces 20 jours, ne doit-on pas chercher du côté de la pression qu’ils subissent dans leur sphère professionnelle ? Et dans les familles moins aisées, les conditions sont-elles réunies pour que cette disponibilité des pères soit matériellement réalisable ? Un changement institutionnel est nécessaire pour permettre plus d’égalité pour tous, et pour offrir aux 2 parents la même capacité d’investissement dès l’arrivée du bébé. Et si le congé paternité était allongé et devenait obligatoire ?

Il y a la question très importante de la transmission aussi. Pourquoi les garçons ou les jeunes hommes sont-ils tenus à l’écart des bases de la parentalité ? Beaucoup de jeunes filles aident leur maman à changer un petit frère ou une petite sœur, à les nourrir, font nombre d’heures de babysitting. Dès qu’une femme est enceinte, toutes les figures féminines (et masculines !) de son entourage lui prodiguent conseils, avertissements, trucs et astuces. Et les pères alors ? Il existe maintenant des ateliers pour préparer les futurs pères mais ils sont encore trop peu nombreux, voire payants. Pourquoi ne sont-ils pas généralisés et gratuits ?

Il y a encore beaucoup de chemin pour que les mentalités changent. Que les hommes, même dans la paternité, ne soient plus assignés à certaines tâches et à certaines responsabilités qualifiées de « masculines ». Qu’on ne cherche plus à définir quel rôle un père doit tenir par rapport à la mère pour que les hommes puissent enfin devenir un parent à part entière.

Il faut continuer à lutter contre ces stéréotypes et ces carcans qui nous enferment tous dans des rôles prédéfinis et qui nous briment dans notre épanouissement personnel. Mais pourquoi le combat est-il porté quasi exclusivement par les femmes ? Pourquoi restent-elles encore aujourd’hui le principal vecteur de transmission vers les hommes des sujets qui concernent les hommes ?
Pourquoi une minorité d’hommes semblent s’intéresser à ces questions ? Pourquoi ne s’expriment-ils pas au sein de l’entreprise pour demander plus de place pour leur parentalité ? Pourquoi ne militent-ils pas plus pour leurs propres libertés ?

 

Les hommes ont tout à gagner à perdre quelques privilèges…

Quand on voit la montée des masculinités conservatrices, ces mouvements parfois violents qui tentent de réaffirmer une domination masculine au nom d’un soi-disant “ordre naturel” au détriment des 2/3 de l’humanité – femmes, enfants, mais aussi des hommes qui se ferment à une part essentielle d’eux-mêmes, une part qui pourrait pourtant être une vraie source d’épanouissement – on ne peut que célébrer l’avènement de ces nouveaux hommes qui adhèrent au changement.
Mais incarner socialement cette avant-garde masculine tout en passant sous silence leur propre résistance à un changement structurel profond, ne serait-ce pas pour ces nouveaux hommes et nouveaux pères une autre façon de maintenir une position valorisée et dominante par rapport aux femmes ?

Peut-on vraiment être un nouvel homme / un nouveau père dans une société qui n’a pas renoncé aux anciens rapports ?

Alors, que peuvent les hommes pour participer à leur échelle à l’avènement d’une société plus égalitaire et plus juste, et où les hommes et les femmes porteront enfin la même responsabilité dans la parentalité ?

Les hommes peuvent entrer en réflexion.
Se questionner pour trouver quels ressorts intimes les amènent à rester des hommes dominants malgré leurs aspirations égalitaires.
S’informer, se documenter, pour prendre conscience de ce qui se cache encore derrière ces belles avancées dans les couples hétérosexuels, quels problèmes structurels et quelles inégalités persistent. Et comprendre que des solutions existent.
S’ouvrir, abandonner l’entre-soi masculin pour discuter avec leur compagne, les femmes de leur entourage, leurs amis, les autres hommes qui pourraient encore montrer des résistances.
Être eux aussi dans le partage et la transmission. Montrer la voie à leurs propres enfants.

Ils peuvent cesser de chercher à se dédouaner dès que des remarques émergent. Et comprendre que ces questions sont sociétales et que par-là même elles concernent tout le monde, tous les hommes, y compris ceux qui font de beaux et nombreux efforts.

Ils peuvent lutter contre leur angoisse du « déclassement viril » comme l’a nommé le dessinateur Luz, cette peur de ne plus être à la hauteur de ce que la société attend  d’eux en tant qu’homme. Prendre le risque du regard social, du jugement, de l’exclusion en refusant d’embrasser des codes masculinistes et virilistes pour ouvrir la voie vers une nouvelle masculinité. Et découvrir une nouvelle communauté plus riche, plus respectueuse et plus aimante.

Ils peuvent cesser d’avoir peur de perdre quelques privilèges pour comprendre qu’ils ont tout à gagner à lutter avec les femmes pour une société plus juste et plus équitable.
Des liens plus forts, plus sincères et plus profonds avec leurs enfants.
Une relation de couple harmonieuse où le dialogue est ouvert. Une compagne plus épanouie, moins stressée, moins épuisée, qui aura plus de temps et plus d’élan pour une vie de couple intime et joyeuse.
Un apaisement de la société tout entière – un espace de dialogue et d’échange moins violent, plus ouvert, harmonieux et libre.

 

Il est important que les hommes s’emparent de ces questions qui les concernent – qui nous concernent tous. Car la suprématie dominante prônée par les masculinistes n’est pas dangereuse uniquement pour les femmes et les enfants. Les hommes aussi subissent les violences des autres hommes, leur agressivité, leur domination, leur dictature quant à un modèle défini, une pression qui ne laisse place à aucun choix, aucune liberté, aucune individualité. Pour pouvoir une fois pour toute déposer ce costume étouffant de l’homme super héros super puissant pour devenir enfin eux-mêmes. Et faire une vraie place à leur humanité — y compris leur vulnérabilité, leur sensibilité, et tout ce qui les rend pleinement vivants.

 

Merci à tous les hommes, conjoints, pères, qui montrent le chemin.

 

Pour aller plus loin, je vous recommande l’excellente bande dessinée L’Arnaque des nouveaux pères – Enquête sur une révolution manquée de Stéphane JourdainGuillaume Daudin et Antoine Grimée aux éditions Glénat.

Et si vous sentez que c’est difficile, que vous auriez besoin d’aide sur ce chemin, ne restez pas seul face à vos difficultés et vos questionnements. Je reçois les hommes comme les femmes ! Contactez-moi pour 1 séance Découverte gratuite de 30min sans engagement. Nous ferons plus ample connaissance et nous verrons ensemble comment je peux vous aider.

 

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